Chère Hulotte,
Nous avons la chance d’habiter un paysage bordé vers le haut par de grandes forêts où le Pic noir est fréquent : la pente sud du Jura qui descend vers le lac de Neuchâtel.
Pendant bien longtemps j’ai entendu, venant de lisières d’épicéas ou de sapins, un cri, un appel mélancolique IN IN IN, continu sur une note, 2 ou 3 secondes. Une porte qui grince. Puis ça recommence. Plusieurs fois. Un jour, j’ai eu la chance d’en voir l’auteur dans mes jumelles : un pic noir sur un arbre. Puis il s’est envolé en appelant KRU KRU. Et depuis j'ai souvent entendu le IN IN à l’arrêt suivi du KRU KRU en vol, et ainsi de suite.
Jamais je n’ai eu confirmation de cette observation par un ornithologue chevronné, et je me réjouis donc de voir si tu en parleras dans le prochain numéro annoncé. (...)
M. ROLLIER
Le cri que vous décrivez a été traduit par " klieuh " (ou " pieuh ") par un certain nombre d’ornithologues. (Votre comparaison avec une porte qui grince est caractéristique, de même que le fait que vous l’avez entendu " à l’arrêt"). En effet, le Pic noir ne pousse ce cri que quand il est posé contre un tronc d’arbre. L'autre cri, «kru kru kru», lui, n’est poussé qu’au vol.
Le «klieuh» est un cri de contact, traînant et plaintif, et remarquablement sonore, qui porte très loin (plus d’1km selon Blume, spécialiste des Pics). Il traduit aussi une certaine excitation. Les observateurs ont noté son utilisation par le Pic noir en cas de dérangement, et au moment où l’oiseau allait dormir.
Il peut être entendu toute l’année, mais semble moins fréquent pendant l’incubation et l’élevage des jeunes.