Bonjour,
Je viens de lire, ou plutôt de dévorer, le n° 82 de la Hulotte (...) et vous écris pour vous demander une précision au sujet de l’anatomie des Pics.
J’avais lu ou entendu que le bec des Pics était en quelque sorte «monté sur amortisseurs» pour éviter que les coups répétés ne produisent des traumatismes pouvant endommager le crâne et le cerveau des oiseaux. Une sorte de coussin élastique assurerait la jonction entre le bec et les os, absorbant ainsi les chocs.
Qu’en est-il exactement ? Vous n’abordez pas ce point dans votre présentation (...)
Je vous serais reconnaissant d’éclairer ma lanterne sur cet aspect du Pic, dans la mesure où vous disposez d’informations complémentaires.
Ph. Lefebvre |
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Chère Hulotte,
J’ai lu avec plaisir et attention le numéro 82 dédié au Pic noir. Je me permets de vous faire part d’une petite déception. J’attendais des précisions sur l’anatomie particulière de cet oiseau (vertèbres cervicales, liquide céphalo-rachidien dans une double enveloppe ...etc.) lui permettant de frapper aussi vite, aussi fort, et aussi longtemps sans (trop) s’abîmer la santé. Peut-être vous en direz-nous un peu plus sur le sujet dans un numéro prochain ?
Cordialement à vous,
J.L. Boquet |
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Le système de protection du cerveau des Pics fait appel à des notions complexes, et c’est la raison pour laquelle la Hulotte, qui s’adresse prioritairement aux enfants, n’a pu lui consacrer que quelques lignes dans son numéro 83 (p. 6)
Grâce à des études anatomiques réalisées sur quelques crânes de Pics, et aussi à des films à haute vitesse permettant d’analyser les mouvements de ces oiseaux en pleine action, les scientifiques, même s’ils n’ont pas élucidé parfaitement la question, ont cependant pu identifier un certain nombre de particularités qui démontrent la formidable adaptation de ces oiseaux à leurs activités intensives de forage et de tambourinage. Notamment :
Un modèle intéressant pour les casques de protection...
- l’os du crâne est relativement dense (bien que spongieux) et épais, notamment à l’arrière de la tête (lieu du " contre-coup "), et à la base du crâne, derrière le bec.
- le cerveau est étroitement " emballé " dans la boîte crânienne, avec très peu d’espace et de fluide entre la matière grise et l’os : il ne risque pas d’être " balloté ".
- le crâne et le bec sont séparés par un cartilage, qui pourrait amortir les chocs (...mais pas trop, pour ne pas priver le bec de son efficacité). |
Muscles amortisseurs et rigidité du cou
Le Pic est doté d’une musculature extrêmement bien coordonnée, qui amortit et distribue vraisemblablement les chocs autour du crâne, et qui, également, rigidifie le cou et la tête au moment opportun (comme chez le boxeur qui s’attend à un coup). Les films ont par exemple montré qu’il y a étonnament peu de mouvement de la tête après l’impact.
On peut aussi imaginer que le muscle de la langue, qui entoure tout le crâne par l’arrière (partant du dessous du bec et rejoignant la narine droite), peut jouer lui aussi un rôle dans l’absorption et la distribution des chocs et vibrations.
Frappe rectiligne et maîtrisée du bûcheron
Il est également très intéressant de noter que le Pic, avant de frapper, tape d’abord deux petits coups — de la même façon qu’un bûcheron — comme pour aligner son outil.
Le fait que la tête du Pic suive une trajectoire presque rectiligne (à la différence de l'illustration ci-contre) quand il creuse ou tambourine est certainement de la plus grande importance, évitant les mouvements de rotation (les plus dangereux pour le cerveau et les connections neuronales : voir le syndrôme des bébés secoués, ou le «coup du lapin»).
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Les travaux scientifiques d’où sont extraits ces éléments sont les suivants :
Woodpeckers and Head Injury, May, Fuster, Newman et Hirschman, The Lancet, 28 February 1976
Woodpecker Drilling Behavior — an endorsement of the Rotational Theory of Impact Brain Injury, Ph. R.A. May, J.M. Fuster, J. Haber, A. Hirschman., Arch. Neurol. juin 1979 |
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